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Original n° 1
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Original n° 2
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Original n° 3
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Conscription 1869 Depuis quelque temps des bruits relatifs à une nouvelle organisation militaire ont répandu dans nos familles les plus vives inquiétudes. Le projet de loi qui vient d'être présenté au Corps Législatif justifie toutes les appréhensions qu'on avait pu concevoir. Il se résume dans ces mots d'une concision sinistre: Désormais, plus de bons numéros, plus de numéros qui exemptent entièrement du service militaire. Avec la loi telle qu'elle est aujourd'hui, par la seule chance du tirage au sort, cent mille jeunes gens environ, chaque année, soit à peu près le tiers de la classe, jouissent du bienfait d'une libération immédiate et définitive. Maîtres de leur personne, ils deviennent libres de se marier, de s'établir. En 1869, quoique le contingent à fournir fût de cent mille hommes, 120.257 jeunes gens ont été définitivement libérés. Avec la loi nouvelle, ces avantages disparaissent. Nul, sauf cas d'exemption, n'échappe à l'obligation du service, tout le monde est appelé à devenir soldat. Et dorénavant, celui qui mettra la main dans l'urne ne pourra attendre du sort que cette alternative: ou d'être incorporé immédiatement dans l'armée active ou d'être classé dans la réserve, à la disposition du Gouvernement. Dans une pareille extrémité, nous venons, Sire, implorer avec insistance votre puissante sollicitude. Les populations agricoles, on se plait à le répéter, n'ont pas cesser de donner à Votre Majesté des témoignages de leur dévouement, personne n'ignore combien vous est cher le soin de leurs intérêts. Eh bien, Sire, dans un moment où les bras manquent à l'agriculture, où le fermier, même à prix d'argent, ne peut se procurer les travailleurs nécessaires, où les souffrances de nos campagnes viennent d'être mises à nu par l'enquête naguère édifiée par vos ordres, dans un pareil moment, est-il possible de venir aggraver ce fardeau déjà si lourd de la conscription militaire, et le plus douloureux des impôts, l'impôt du sang. La France est-elle donc menacée d'être envahie? Les déclaration même de votre Gouvernement ne nous ont-elles pas affirmé que nous n'avions pas à redouter de semblables tentatives? A quelles préoccupations répondent donc ces mesures extrêmes qui n'affectent pas même un caractère transitoire, mais qui sont présentées comme une institution normale et permanente. Pour nous, Sire, nous nous refusons à croire qu'un pareil système puisse devenir la loi du Pays et pénétrés de cette espérance, nous n'avons pas hésiter à venir confier à Votre Majesté nos justes alarmes et à faire parvenir jusqu'à vous, nos supplications. Nous avons l'honneur, avec respect, de Votre Majesté, les très humbles serviteurs et sujets.